15 octobre 2024
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Le cuir et son utilisation durant l’Antiquité

LE CUIR ET SON UTILISATION DURANT L’ANTIQUITE

Le cuir est une matière omniprésente dans notre quotidien, on le retrouve principalement dans la mode et l’habillement. Spontanément, cette matière première nous apparaît comme un matériau robuste et durable, mais en raison de sa nature périssable, elle est sous-représentée en contexte archéologique et les découvertes d’artefacts en cuir sont relativement rares. À l’instar d’autres artisanats qui emploient des matériaux organiques tels que le bois, l’os ou encore la fibre végétale (vannerie), le cuir ne se conserve à travers le temps que dans des milieux bien particuliers (les endroits immergés, les tourbières ou encore les zones désertiques).

La transformation d’une peau animale en cuir nécessite l’emploi de procédés physico-chimiques complexes. L’ensemble de ces opérations successives permet de rendre la peau imputrescible. C’est ce que l’on appelle l’art du tannage.

Le tannage végétal, procédé de macération des peaux dans un bain de tanin végétal toujours en pratique de nos jours, est un héritage direct de l’Antiquité. Les Romains, qui maitrisaient cette technologie, l’ont systématiquement répandue aux grès de leurs conquêtes militaires. Le cas de la Grande-Bretagne illustre parfaitement cet exemple. Les populations locales ont, en effet, peu à peu adopté les techniques romaines de tannage et de travail du cuir, notamment pour la fabrication des chaussures(Bird, 2017, p. 135).

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Figure 1 : Stèle du sabotier, Reims, Musée Saint-Rémi (inv. 978.20176). © Christian Devleeschauwer

Il existe différents métiers du cuir, parmi lesquels celui de cordonnier est sans doute le mieux documenté pour l’antiquité romaine. Des stèles funéraires représentent parfois les artisans à l’œuvre et nous renseignent tout à la fois sur les outils employés, les postures de travail et sur le mobilier présent dans les ateliers (Figure 1).

Figure 2 : Reproductions d’outillage romain d’artisan du cuir. À gauche : emporte-pièces (Jean Marc Gillet) ; Au centre : demi-lune (Simon Pellequer) ; En bas : alêne à manche en bois (Simon Pellequer) et alène en fer (Yves Schmitz) ; À droite : compas Yves Schmitz). © Paul Zoller.

À défaut de trouver fréquemment des vestiges archéologiques en cuir, l’identification de cet artisanat peut se faire par le biais de preuves indirectes. C’est le cas de l’outillage en fer associé à l’artisanat du cuir qui, dans sa globalité, n’a pas changé depuis l’Antiquité. Il est ainsi possible de retrouver les alênes — utilisées pour percer la matière —, les emporte-pièces, les compas — employés pour la réalisation de tracés et le report des mesures — ou encore les demi-lunes, couteaux emblématiques de l’artisan du cuir (Volken, 2010) (Figure 2).

L’artefact en cuir — lorsqu’il est bien conservé — permet d’obtenir de nombreuses informations, notamment sur les stigmates laissés par l’artisan. Ainsi, est-il possible d’observer les éventuelles marques de coutures que matérialisent les perforations disposées à intervalles réguliers le long d’une bordure. Les œillets, trous plus gros faits à l’emporte-pièce destinés à laisser passer des liens plus épais, sont également des éléments précieux qui permettent de déceler la présence de cordons et de lacets (Figure 3).

L’exemple le plus rudimentaire en matière de travail du cuir réside peut-être dans la manière dont les Romains protégeaient « les marchandises destinées au grand commerce [pour lesquelles] les pièces les plus fragiles étaient emballées dans des pièces de tissu ou de cuir » (Leguilloux, 2004, p. 164). Ces ballots étaient fabriqués à partir « de la peau entière de petits ruminants, mouton ou chèvre ; les bords sont ourlés et, à l’emplacement des pattes, sont disposées des attaches permettant de fixer des courroies » (Leguilloux, 2004, p. 164) (Figure 4 à 6).

Figure 3 : Ballots ou enveloppes de cuir destinées à emballer des marchandises sur une des épaves du Comacchio (Italie : Ier siècle av. J.-C.) (Leguilloux, 2004, p. 164)
Figure 4 : Ballot de marchandise fermé. © Paul Zoller
Figure 5 : Restitution  d’un ballot de transport en cuir de chèvre. © Paul Zoller
Figure 6 : Détail de la couture de l’ourlet. © Paul Zoller

En guise de conclusion, et pour reprendre les propos de Marquita Volken : « la meilleure façon de comprendre comment un objet fonctionne est de l’utiliser, ce qui implique un recours scientifique et rigoureux à l’archéologie expérimentale. Chaque nouvelle trouvaille permet de mieux comprendre les artefacts et de contrôler l’identification de découvertes précédentes, ce qui augmente notre appréciation des compétences artisanales » (Volken, 2010, p. 422).
Si vous souhaitez en savoir d’avantages sur le sujet, je vous invite à consulter la bibliographie et en particulier les travaux de Marquita Volken qui allient remarquablement recherche et expérimentation sur l’artisanat du cuir.

Pour aller plus loin :

  • Bird, D. (2017). Agriculture and Industry in South-Eastern Roman Britain. Oxford, Philadelphia : Oxbow books.
  • Leguilloux, M. (2004). Le cuir et la pelleterie à l’époque romaine. Paris : Errance.
  • Volken, M. (2010). Le fer et la peau : Le cuir et ses outils en milieu urbain romain. Aspect de l’artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, pp. 415-424.
  • Instagram de Paul Zoller – Artisan du cuir

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