De la vigne à l’amphore : Le Mas des Tourelles
De la vigne à l'amphore : le Mas des Tourelles
Après une heure et demi de route depuis Aquæ Sextiæ (Aix-en-Provence) à travers les vignes et les paysages provençaux, nous nous engageons sur un chemin bordé d’oliviers. Au bout se profile le Mas des Tourelles qui trône fièrement, entouré de ses terres depuis le XVIIème siècle. Nous sommes chaleureusement accueillis par le propriétaire des lieux, Hervé Durand qui nous présente le site. Pourquoi sommes-nous venus ici en particulier ? La raison est simple : le Mas des Tourelles est le terrain d’une expérience archéologique particulière. Ici, il est question de comprendre la viticulture et la vinification en Gaule narbonnaise au Ier siècle de notre ère pour essayer de retrouver les gestes et – pourquoi pas – les saveurs antiques. Suivez-nous, nous allons tout vous expliquer !
DES VESTIGES SOUS LE VIGNOBLE
C’est dans le vignoble entourant le mas qu’ont été découvertes des traces d’occupation antique en 1985. Ces traces sont celles d’une villa romaine du 1er siècle ap. J.-C. et de ses ateliers de production spécialisés dans la fabrication d’un type d’amphore spécifique, la « gauloise 4 », que l’on retrouve dans tout l’Empire (le long du Rhin, en Angleterre et jusqu’à l’Orient méditerranéen). Ces découvertes ont constitué l’étincelle qui a lancé cette aventure. En 1991 puis en 1994, André Tchernia et Jean-Pierre Brun (deux grands spécialistes de l’Antiquité romaine) ont rejoint tour à tour le propriétaire des lieux pour reconstruire une cella vinaria (un chai de vinification antique) en apportant leurs connaissances liées au vin pour s’approcher au plus près des arômes originels du précieux liquide dionysiaque.
ENTRE TRADITIONS ET PATRIMOINE
Le parcours à travers les différents bâtiments laisse deviner une grande propriété à la croisée des influences languedociennes et provençales. L’organisation des structures est tournée autour de la production agricole ainsi que de la viticulture, un savoir-faire qui se transmet de générations en générations. De nombreux artefacts provenant du chantier archéologique permettent de comprendre certaines facettes de la vie au sein de l’atelier de production et de la villa. Enfin nous arrivons dans la cella vinaria reconstituée. L’espace central est occupé par le grand pressoir à vin entouré d’une cuve et des dolia (des contenants en terre cuite de grande capacité dans lesquels étaient stockées des denrées alimentaires et, dans le cas des Tourelles, du vin).
DE LA VIGNE AU VIN
Les vendanges ont lieu entre la fin du mois d’août et le début du mois d’octobre. Elles sont un moment important de la société romaine et donnent lieu à de nombreuses festivités. Dans les vignes, le raisin est récolté et transporté jusqu’à la cella vinaria où il est déposé dans des grandes cuves. D’abord foulées aux pieds, les grappes sont reversées dans la cuve en bois du pressoir. Cette cuve est composée de planches séparées par des interstices à travers lesquels le jus peut s’écouler. L’énorme poutre est abaissée grâce à un jeu de poulies. Elle presse le reste des grappes dont le jus est mêlé à celui du foulage. Le moût ainsi obtenu est versé dans les dolia où il fermente durant une à deux semaine(s). Ensuite le vin est transvasé dans les amphores soigneusement refermées pour être commercialisé ou tiré directement de ces contenants.
Du vignoble au verre, le vin archéologique du Mas des Tourelles est produit à l’aide des techniques antiques que l’on connaît grâce aux textes anciens (Columelle, Varron, Caton, etc.). La façon de cultiver, de planter et de récolter, les différents types de presses, les ingrédients employés ou encore les outils utilisés sont autant d’informations qui nous sont parvenues par les écrits. Cependant, elles peuvent provenir de périodes et de lieux différents. Nous n’aurons jamais la possibilité d’établir des certitudes sur les procédés d’une époque si éloignée que celle de l’Antiquité romaine mais les travaux de reconstitution archéologique, comme ceux menés ici, permettent de se rapprocher d’une vérité inatteignable. C’est un savant mélange entre expérience, passion et recherches qui permet aujourd’hui de « déguster, côte à côte, des vins tels qu’on les aimait au Ier siècle ap. J.-C., et tels qu’on les recherche au XXIème siècle » comme le résume Hervé Durand dans l’ouvrage « Appuis, vigneron gallo-romain ».
“NON NOVA SED NOVE”
Finalement, ce qui résume bien l’aventure du Mas des Tourelles, c’est une expression latine qui sonne comme la devise du lieu – devise à l’image du projet que nous portons : “non nova sed nove” que l’on pourrait traduire par “non pas de choses nouvelles mais d’une manière nouvelle”. Il s’agit de retrouver les éléments constituants d’une civilisation qui nous influence encore actuellement et que nous tentons de comprendre et de partager avec notre vision contemporaine des techniques, de la transmission et des traditions.
Pour aller plus loin :
- Site officiel du mas des Tourelles
- Reportage vidéo – Communauté de Communes Beaucaire Terre d’Argence
- Retrouver les vins et les cépages de l’Antiquité – INRAP
Nous remercions le Mas de Tourelles pour les photographies.